Offrande

Quelle valeur accorder au « cadeau » à l’approche de Noël ?

Voilà bien une atmosphère ambivalente que celle de ce mois de décembre, occupé tout la fois par l’Attente de l’offrande divine du Fils de Dieu aux chrétiens, et la préparation fébrile de toute sorte de présents dont la destination ne se limite plus au cercle restreint de personnes rassemblées pour leurs affinités culturelles, spirituelle, ou leur lien familial.

La profusion d’échanges de cadeaux de nos jours tend à banaliser ces actes comme vénaux ; pourtant, ces gestes sont souvent associés à un heureux événement : naissance ou re-naissance, telle que celle de la lumière qui nous revient peu à peu après le solstice d’hiver, porteuse d’une nature qui n’attend que de s’épanouir à nouveau.

Aussi ce plaisir de recevoir – tout autant que celui de donner – ne date pas d’hier. Nous n’aurions pas été dépaysés de nous rendre au marché dédié à l’acquisition de « saturnalia », ces petits présents que les Romains de l’Antiquité s’échangeaient dans la période du solstice d’hiver.

Confusion des genres ou jeu de mots, cette façon de façon de marquer l’espoir de la prospérité a vu l’incantatoire o ghel an heu druidique (« que le blé germe ») dériver en un « Au gui l’an neuf », prétexte à un nouvel échange : un rameau « magique » contre un bonbon, une orange… Depuis l’arrivée d’un Père Noêl habile à magnifier nos cheminées, on a un peu oublié ces traditions des campagnes françaises qui envoyaient les enfants de maisons en maison quêter « la Guillanée », petit présent de bienvenue, gage de l’entrée dans la nouvelle année sous de bons auspices. Dans ce domaine, le répertoire musical traditionnel est prolixe, car nos aïeux chantaient pour quêter. Ainsi ferons-nous ce soir, mais nous remplacerons le gui par nos paroles et nos phrases choisies, que nous vous invitons à offrir à votre tour à une autre personne du public.

Quant au cadeau en tant que thème du répertoire de ce concert, la musique comme témoin ou reflet de la société apporte des réponses qui nous sont offertes ici parfois comme des clins d’œil, mais aussi comme des « graines à faire germer » pour peu qu’on ait le goût de recevoir ce don non pas comme un objet inanimé, mais comme quelque chose qui, parce que né d’un partage, ne peut que fructifier. Sûrement, les pièces baroques de Carissimi, Palestrina ou Charpentier ont-elles pour effet d’élever l’âme, celles de Frank Martin, de faire découvrir un compositeur du XXe siècle aussi engagé dans sa foi qu’il est peu joué en France. Des cadeaux dont il est question par ailleurs, on peut retenir la modicité de ceux énumérés dans le répertoire populaire, chacun offrant ce qu’il peut et se plaignant de ne pouvoir donner mieux (Les cadeaux, Or vous trémoussez). Ainsi la table de l’« enfanteau » se trouve-t-elle bien garnie comme à une fête champêtre, et le petit Jésus doté d’exotiques chaussures rouges (Senora Dona Maria). Les chansons de quête appellent à une dîme en proportion de la richesse de la maison sollicitée.

Pourtant, d’entrée, les enfants de la chanson de Poulenc font fi de toutes les richesses, marquant un intérêt unanime pour le potelé…