Voilà un programme peu commun, qui fait interpréter par une chorale une musique qui n’est pas écrite pour cela, pour suivre les pas d’un personnage historique qui n’est pas un musicien : Jacques Cœur, et dont les actes ne laissent personne indifférent.
Faux monnayeur, fils de marchand avide de profits ou mécène généreux de Charles VII, il marque une étape dans le déclin de la féodalité : avant lui, un bourgeois n’eût pas chevauché aux côtés d’un seigneur. C’est bien là le signe du caractère d’exception du personnage. Gouverneur efficace, il redresse la situation financière du royaume délabré par la Guerre de Cent ans ; commerçant audacieux, il met en place un trafic avec l’Orient, autrefois réservé aux Génois – qui en prendront ombrage. Il se développe par conséquent toute une infrastructure inhérente à ce commerce qui relance l’économie française, permettant au bourgeois parvenu de réaliser, au passage, de substantiels bénéfices.
Sa carrière, après avoir démarré auprès du Duc de Berry, à Bourges, deuxième foyer artistique après celui du duché de Bourgogne, culmine avec la charge de conseiller, grand argentier de Charles VII. Cette foudroyante ascension animera des jalousies qui causeront sa chute en 1451. Il reste soutenu par le Pape et le futur Louis XI et sa mémoire sera réhabilitée peu d’années après sa mort.
On sait peu de choses sur le goût de Jacques Cœur pour la musique, sinon qu’à voyager beaucoup (Le Caire), à côtoyer les Grands (la cour de Paris avec le Duc de Bedford représentant l’Angleterre, la cour de Bourgogne, sous influence artistique franco-flamande, la cour du Duc de Berry où s’était réfugié le « Petit Roi de Bourges »), cet homme entreprenant, prisé par les amateurs d’art, a dû avoir l’opportunité de vivre des moments musicaux les plus variés en même temps que représentatifs de l’époque. Les clients de Jacques Cœur étaient friands de luxe tant sous forme de fourrures que de soieries, d’ouvrages d’art que d’épices précieuses.
C’est un peu dans l’esprit du fameux « banquet du Vœu » de Philippe le Bon que nous invitons le public à déguster conjointement les pièces musicales de ce début du XVe siècle avec les « boute-hors » destinés à clore de façon digeste des repas qui l’étaient moins.
Programme
- Alleluia Nativitas, anonyme fin XIVe siècle
- Elas mon cuer, anonyme fin XIVe siècle
- Gloria ad modum tubae, de Guillaume Dufay
- Agincourt song, anonyme XVe siècle
- Pucelotte, d’Antoine Busnois
- J’ai pris amours, anonyme XVe siècle
- Credo, de P. Legrant
- N’aray-je jamais mieux, de Morton
- Ballade sur la paix, de H. Jaubert, XXe siècle
- Fortune par ta cruaulté, de Vincenet, chansonnier de Montchenu
- Allez regretz, H. van Ghizeghem, texte de Jean II de Bourbon
- L’homme armé (chanson), R. Morton
- Verbum caro factum est, anonyme XVe siècle, Jistenice cantional 1420